En raison de la dominance de l’idée de littérature nationale en tant qu’entité séparée et homogène et du primat du purisme linguistique, le multilinguisme littéraire est longtemps apparu comme une atteinte à la norme. Or, à l’heure de la mondialisation et de l’intérêt grandissant pour les processus inter- et transculturels, l’utilisation de plusieurs langues dans un même texte littéraire gagne en légitimité, jouit d’une reconnaissance croissante de la part des institutions littéraires et se retrouve même mise en avant à des fins promotionnelles. Cependant, le multilinguisme intratextuel pose la question de la lisibilité et des possibilités de circulation des textes littéraires concernés qui tendent parfois à limiter leur public potentiel à des lecteurs bi- voire plurilingues.
Mon travail de thèse porte sur des textes multilingues de Suisse romande et du Québec et se consacre ainsi à deux contextes de production et de réception différents dans lesquels le multilinguisme joue un rôle particulier. Mon objectif est de révéler les facteurs intra- et extratextuels qui influencent la réception et la circulation des écritures plurilingues. À partir d’un corpus d’ouvrages parus entre 1980 et 2015 (e.a. : Pierre Lepori, Sexualité / Beat Christen, Leer réel / Francine Noël, Babel, prise deux ou Nous avons tous découvert l’Amérique / Nicolas Dickner, Nikolski), j’interrogerai les configurations textuelles qui entravent ou favorisent la réception des textes. Au niveau extratextuel, je me consacrerai à l’étude de documents de réception et de paratextes auctoriaux et éditoriaux afin de comprendre l’impact du multilinguisme officiel sur la circulation des ouvrages. L’approche littéraire et linguistique sera ainsi élargie par une perspective sociologique portant sur le lecteur, la lecture et le marché du livre.